Présentation de la 7ème édition (2022)

L’Ecole d’Eté est conçue comme un programme de formation organisé annuellement par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) Tunisie, en partenariat avec l’Institut National du Travail et des Etudes Sociales (INTES). L’Ecole d’été s’étale sur une durée de 5 jours et permet à environ 60 participants issus du monde académique, des institutions publiques, de la société civile et des partenaires sociaux d’approfondir leurs connaissances sur une thématique d’actualité en lien avec la migration.

Arrivée à sa 7ème édition, l’Ecole d’Eté a permis de former autour de 400 participants dont la majeure partie sont des fonctionnaires publiques. L’objectif de l’Ecole d’été ne se limite pas à son caractère académique et sa richesse en contenu, mais vise également à favoriser le réseautage entre les parties prenantes au niveau national, ainsi qu’avec les intervenants nationaux et internationaux.  La 7ème Ecole d’été se tiendra du 19 au 23 Septembre 2022 et portera sur le thème « Enfants et migration ».

De nos jours, les enfants sont de plus en plus au cœur des mouvements migratoires ; leur mobilité, indépendamment de ses motifs ou de leurs statuts, qu’ils soient accompagnés ou pas, les met souvent en situation de risque et est source de défis multiples.

Selon les données du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies (UNDESA), le nombre estimé de personnes âgées de 19 ans ou moins vivant dans un pays autre que celui où elles sont nées est passé de 29 millions en 1990 à 40,9 millions en 2020. En 2020, les enfants migrants (âgés de 19 ans ou moins) représentaient 14,6 % de la population migrante totale et 1,6 % des enfants dans le monde[1]. Les enfants réfugiés représentent aujourd’hui 50% du nombre total des réfugiés dans le monde et beaucoup d’entre eux sont seuls ou séparés de leurs parents[2]. Selon l’UNICEF[3], les conflits, les violences et les autres crises qui sévissent à l’heure actuelle ont entrainé le déplacement de 36,5 millions d’enfants à la fin de 2021, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré depuis la Seconde Guerre Mondiale dont 13% (environ 1,4 million) vivent au Moyen-Orient et en Afrique du nord. Le continent africain, avec 25% des migrants qui sont des enfants, est le continent qui compte le nombre le plus élevé d’enfants migrants au niveau global[4].

Dans leurs parcours migratoires, les enfants doivent se frayer un chemin à travers un pays, une langue et une culture méconnus. Dans la plupart des cas, ils s’aventurent en ignorant leurs droits et les risques d’abus, de violences, d’exploitation… auxquels ils sont confrontés. Ce qui les expose à des vulnérabilités accrues de violation de leur droit à la vie et au développement vu l’inaccessibilité aux services de base et des soins essentiels pour survivre[5].

Les enfants et adolescents qui se retrouvent sur un parcours migratoire, que ça soit par leur propre choix, par le choix de leur famille ou par force, sont souvent dans une situation de vulnérabilité particulière qui les rend plus facilement proie d’exploitation, de violence et d’abus. D’où la nécessité de fournir une protection adaptée à travers la mise en place de système d’identification et de prise en charge efficace, répondant à la spécificité de leur situation.

A ces risques et vulnérabilités des enfants en mouvement, s’ajoute le fait de se trouver inévitablement dans une région bien mouvementée qui a connu et qui connait encore des conflits et des crises majeures.

La Tunisie se trouve également au centre de la trajectoire pour atteindre l’Europe à travers la route de la Méditerranée centrale. Sa situation géographique aux frontières de l’Afrique du Nord et au cœur de la région MENA, a fait d’elle, intrinsèquement, un pays d’immigration et de transit pour les migrants en situation irrégulières, un pays qui reçoit des migrants et des réfugiés de différentes provenances. Un total de 6475 réfugiés et demandeurs d’asile a été recensé à la fin de décembre 2021[6].

Il est à noter, d’un autre côté, que le nombre des personnes arrivant en Italie venant de la Libye et la Tunisie a augmenté de 33% au cours de l’année 2021 par rapport à 2020[7]. Plus spécifiquement, parmi les migrants arrivés en Italie par mer en 2021, les autorités italiennes (Ministère de l’intérieur italien) recensaient environ 4% d’enfants accompagnés et 14% d’enfants non accompagnés. Les 9478 enfants non accompagnés étaient alors deux fois plus nombreux qu’en 2020 et 5,6 fois plus qu’en 2019. Cette tendance à la hausse est particulièrement préoccupante pour les enfants tunisiens. En 2021, plus de 2700 enfants tunisiens sont arrivés en Italie en empruntant la route dangereuse de la Méditerranée centrale depuis la Tunisie. 76% de ces enfants ont voyagés seuls, soit plus de 2000 enfants.[8]

De sa part, la Tunisie a fait preuve d’un engagement particulier pour la protection des droits des enfants et ce à travers les instruments législatifs et institutionnels mis en place. D’autres parts, un focus spécifique se justifie ces dernières années sur la migration des enfants, notamment ceux non accompagnés ou séparés, vu l’accroissement du flux migratoire que connait le pays soit à destination qu’au départ du pays, qui concerne aussi bien les enfants tunisiens qui quittent le pays que les enfants étrangers.

Des chiffres officiels récents[9] révèlent que parmi 8000 migrants sur le territoire tunisien, 1800 sont des enfants. Un nombre de 400 parmi eux ont bénéficié de mesures de protection sociale et judiciaires fournis par les Délégués de protection de l’enfance et des juges de famille en plus de l’accompagnement et l’assistance des organisations internationales. Les délégués de la protection de l’enfance ont pris 39 mesures entre 2020 et 2021 pour l’hébergement des enfants non accompagnés en plus de la prise en charge de 113 enfants migrants en danger.

Ces efforts sont soutenus par le travail des organisations internationales. Depuis 2018, l’Organisation Internationale pour les Migrations en Tunisie a assisté 3670 enfants migrants (1647 filles et 2023 garçons). Ces chiffres ont vu un accroissement considérable ces deux dernières années : en 2021 et 2022, l’organisation a assisté 726 enfants migrants séparés ou non accompagnés, alors que pour les années précédentes, ce chiffre variait de 30 à 50 par an. Elle a assuré pour la même période à ces enfants des assistances sociales, médicales, administratives et juridiques, à la réunification familiale dans des pays de destination et au retour volontaire dans les familles au pays d’origine.

Les statistiques de 2022 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) confirment cette tendance, avec 24% de la population de réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés en Tunisie étant des enfants, soit 2,307 sur 9,560.[10]

Ce phénomène devrait davantage susciter l’engagement et l’implication tous les acteurs qui traitent avec les réalités de la migration, dans une époque où la mobilité des jeunes, y compris des mineurs de 18 ans, est en augmentation en raison de la facilité de déplacement, de la connectivité omniprésente permise par la technologie, du changement climatique qui devient de plus en plus une cause de déplacement ou de migration et de l’élargissement des écarts et des inégalités dans le monde en termes de capacités, de sécurité et d’accès aux droits et services.

Les défis relatifs à la migration des enfants se sont aggravés par la crise sanitaire suite à la propagation de la COVID19 qui a fait peser une menace de plus sur les enfants migrants. La surpopulation des endroits où ils vivent et les préjugés sur la propagation de la maladie exacerbent non seulement la vulnérabilité de ces enfants mais aussi la xénophobie et la discrimination dont beaucoup sont déjà victimes.

Malgré la multitude de formes d’exploitation que peuvent subir les enfants migrants, leur exploitation dans des réseaux de crimes organisés transnationaux tel que le trafic des migrants et la traite des personnes restent la forme la plus répandue et la plus néfaste à laquelle ils sont exposés. En plus des formes classiques de traite dont les enfants sont victimes, de nouvelles pratiques viennent nourrir ce trafic et altérer les standards de protection : on parle de « mineurs migrants voyageant par étapes (step by step) exploités temporairement pour pouvoir payer les passeurs, les mineurs endettés devant trouver de l’argent pour rembourser leurs familles ou leurs proches ayant financé leur projet migratoire, les adolescents qui n’arrivent pas à réaliser ou à achever leur parcours migratoires et qui seront utilisés dans des actes criminels… »[11]. Dans son rapport de 2021, l’Instance Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes souligne une augmentation de 180,6% des cas de traite des enfants par rapport à 2019.

Afin de familiariser les participants à la thématique choisie pour cette année, l’Ecole d’été proposera un programme permettant aux participants d’avoir accès aux concepts clés relatifs aux enfants sur un parcours migratoire.

Selon l’observation générale 6 (2005) du Comité des droits de l’enfant concernant le traitement des enfants non-accompagnés et séparés en dehors de leur pays d’origine[12] :

  • « Par «enfant au sens de l’article premier de la Convention», on entend «tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable» − ce qui signifie qu’aucun instrument régissant les enfants dans le territoire d’un État ne peut donner une définition de l’enfant s’écartant des normes déterminant l’âge de la majorité dans ledit État » (para. 9).
  • « Par «enfant non accompagné» (également appelé mineur non accompagné), on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume » (para. 7).
  • « Par «enfant séparé», on entend un enfant, au sens de l’article premier de la Convention, qui a été séparé de ses deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné par un autre membre adulte de sa famille » (para. 8).

Sur le plan national, un arsenal juridique bien établi règlemente la question. L’article 52 de la Constitution du 25 juillet 2022 dispose : « Il incombe aux parents et à l’État de garantir à l’enfant la dignité, la santé, les soins, l’éducation et l’enseignement. L’État doit assurer toutes les formes de protection à tous les enfants, sans discrimination ; ceci conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Les principes généraux en matière de protection de l’enfance sont consacrés dans le Code de la Protection de l’enfance, adopté par la loi n° 1995-92 du 9 novembre 1995, dont l’article 4 stipule que : « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération majeure dans toutes les mesures prises à l’égard de l’enfant par les tribunaux, les autorités administratives, ou les institutions publiques, ou privées de la protection sociale ». Le titre Premier du Code est, en revanche, consacré aux mesures des protection pour l’enfant en danger, tels que les enfants non accompagnés ou séparés.

La législation nationale couvre également plusieurs aspects, tel que la protection de l’enfant de l’exploitation économique, le droit à l’éducation, l’accès à l’assistance, le droit de vivre dans une famille. De plus, la Tunisie a adopté une loi organique n° 2016-61 du 3 août 2016, relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes qui inclut la protection de l’enfant victime de la traite.

Sur le plan international, la Tunisie a ratifié la Convention des Droits de l’enfant et ses trois protocoles facultatifs. La Convention des Droits de l’enfant (CDE), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 est le pilier juridique en matière de protection des droits de l’enfant. Trois protocoles facultatifs ont par la suite été́ ratifiés avec pour objectif de renforcer le traité original. La CDE est axée sur quatre principes généraux : l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), la non-discrimination (article 2), le droit à la vie, survie et développement (article 6), et le droit de l’enfant d’être entendu, d’exprimer librement son opinion et de participer (article 12), auxquels se rajoutent, particulièrement important dans le contexte de la migration, le droit à l’unité et à la réunification familiale (articles 9 ou 10) et le principe de non-refoulement.

A ce titre, le Comité des Droits de l’Enfant, chargé d’appliquer la Convention, a publié en septembre 2021 ses Observations finales en réponse au rapport soumis par la Tunisie sur la situation des enfants en Tunisie. Le Comité a encouragé la Tunisie à élaborer un cadre législatif portant sur les enfants demandeurs d’asile et migrants pour faciliter l’identification de leur statut et des procédures les concernant. Le Comité a, de plus, recommandé le renforcement des cadres d’orientation et de prise en charge des enfants que cela concerne le domaine de la santé, l’éducation ou encore l’assistance juridique et a souligné la nécessité de nommer un tuteur légal pour les enfants migrants non accompagnés.

Enfin, le 10 décembre 2018, jour du 70ème anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme, la Tunisie est l’un des 152 États qui adopte le Pacte Mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières lors d’une conférence intergouvernementale sur la migration à Marrakech. Axé sur 23 objectifs, le Pacte Mondial énonce des lignes directrices visant à améliorer la coopération entre les pays membres pour une meilleure gestion et gouvernance de migration et notamment pour réduire les risques et les vulnérabilités auxquels sont exposés les migrants, y compris les enfants migrants lors des différentes étapes de la migration en promouvant le respect, la protection et la réalisation de leurs droits de l’homme et en prévoyant la fourniture d’une assistance et de soins ainsi qu’une protection, une inclusion et une autonomisation quel que soit leur statut. Le Pacte propose à cet égard, d’améliorer l’identification et l’orientation des enfants vers les services adéquats, de privilégier une prise en charge non privative de liberté garantissant les droits des enfants et de renforcer la collaboration aux frontières en faveur de la protection de l’enfance.

En prenant en considération ce riche arsenal juridique, ainsi que les réalités et tendances récentes en la matière, l’Ecole d’été aura pour objectifs de :

  • Connaître les tendances récentes en termes de parcours migratoire des enfants et des réalités vécues par ces derniers ;
  • Permettre aux participants de maîtriser le cadre normatif et institutionnel régissant cette thématique au niveau international et dans le contexte de la Tunisie ;
  • Explorer les meilleures pratiques en ce qui concerne les systèmes de protection et de prise en charge des enfants dans le contexte de la migration ;  
  • Favoriser l’échange et la collaboration entre les différents intervenants et lancer le débat et les réflexions pour l’amélioration des acquis et l’implémentation des solutions durables pour les difficultés auxquelles les enfants migrants sont confrontés.

L’Ecole d’été 2022 sera organisée autour de journées thématiques qui se déclinent comme suit :

Journée 1 : Parcours migratoire des enfants migrants : réalités et tendance actuelles.

Journée 2 : Cadre juridique et institutionnel national et international de la protection des enfants migrants.

Journée 3 : Traite et crimes contre les enfants migrants.

Journée 4 : Procédures d’identification et systèmes de tutelles pour les enfants migrants.

Journée 5 : Systèmes alternatifs de prise en charge, accès aux services et approches innovantes au bien-être psychosocial des enfants migrants.

Participants

L’Ecole d’Eté s’adresse aux cadres de la fonction publique, aux académiciens, aux membres de la société civile et aux étudiants aux cycles supérieurs qui traitent, dans le cadre de leurs activités et de leurs recherches, des corrélations entre les enfants et la migration. Il y aura aussi des représentants des ministères tunisiens, notamment Ministère des Affaires Etrangères, Ministère de l’Intérieur, Ministère de la justice, Ministère de la famille, de la femme, de l’enfance et des personnes âgées et aussi de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes. En outre, cette année l’Ecole d’été inclura également un symposium régional qui favorisera l’échange entre participants qui représentent les 6 pays de la région de l’Afrique du Nord : L’Algérie, l’Egypte, le Maroc, la Libye, la Tunisie et le Soudan. Les participants à l’Ecole d’été auront l’occasion d’assister aux échanges entre les représentants de ces différents pays et de comprendre les enjeux pratiques des thèmes abordés pendant les sessions de l’Ecole d’été.


[1] https://www.migrationdataportal.org/themes/child-and-young-migrants.

[2] Selon le rapport sur les Tendances mondiales élaboré par le HCR sur les déplacements forcés, le nombre total des populations déplacées a atteint 68,5 millions avec une augmentation de 15% en 2017 :

http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php.

[3] https://www.unicef.org/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/pres-de-37-millions-denfants-sont-deplaces-dans-le-monde.

[4] https://www.migrationdataportal.org/themes/child-and-young-migrants.

[5] Mémoire d’enregistrement des naissances, UNHCR, Ex-Com 2010.

[6]https://data.unhcr.org/en/documents/details/90566.

[7] Basé sur les données du Ministère de l’Intérieur italien.

[8] IOM data, based on data from the Italian Ministry of Interior.

[9] Chiffres présentés par la ministre de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des personnes âgées, son excellence Madame Amel BEL HAJ MOUSSA, lors de son allocution d’ouverture de l’atelier qui s’est déroulé à Tunis le 17,24 et 31 Mai 2022 en co-organisation entre le ministère, le bureau du délégué de Protection de l’Enfance, l’Organisation Internationale de la Migration et l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés ayant pour thématique «  Solutions d’urgence à court et moyen terme pour assurer l’accès à un hébergement et à une prise en charge adéquate pour les enfants migrants en Tunisie ».

[10] UNHCR. 2022. UNHCR Tunisia Registration Fact Sheet, 31/07/2022.

[11] www.cairn.info/revue-hommes-et-migrations-2020-1-page-35.htm

[12] CRC/GC/2005/61er septembre 2005.

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